samedi 29 mai 2010

Maquillage et paillettes

C'était la fin de semaine dernière au centre Claude-Robillard. Des autobus jaunes et des fourgonnettes parentales déversaient des flots de jeunes filles pour un championnat canadien de cheerleading. Elles ont six, dix, seize ans, et elles font de pyramides et des steppettes dans l'espoir de faire gagner des équipes... de gars. J'avoue que la vision de ces toutes petites filles, grimées, maquillées, poupounées, des boucles dans les cheveux, des mini-jupes au ras les cuisses, m'ont troublée. Même les grandes, couchées par terre à se faire enduire les paupières d'un mélange épais de fard et de paillettes par une amie, qui, elle portait sur ses joues des étoiles, des trèfles et de petites pattes de chats faites de la même matière brillante.
Un jour, à l'éditorial, j'ai écrit un édito défavorable à ce sport. J'ai reçu des tonnes de courriels: vous ne savez pas de quoi vous parlez, c'est un vrai sport, aussi difficile que la gymnastique. J'aurais voulu les voir à l'oeuvre. Il fallait acheter un billet. Non. J'ai refusé.
Et je suis retournée de l'autre côté, du côté de la piscine, où mon garçons, et des dizaines d'autres garçons et filles, couraient dans les couloirs au crawl, au dos et au papillon.

mardi 13 avril 2010

Deux chiens

Rue Ste-Catherine, après-midi ensoleillé de printemps. Devant un commerce, un jeune est assis par terre. Veste de cuir cloutée, percings aux sourcils, au nez. Cheveux en broussaille, qui n'ont pas vu de peigne depuis très longtemps. Le jeune mendie, un petit récipient devant lui. «Pour manger».
Un gros chien beige se tient tout près de lui. Laisse tendue, il dévore des croquettes dans une écuelle. Il mange tout, puis s'assoit à côté de son maître. Le jeune regarde à l'est. Il attend quelqu'un.
A deux mètres à peine, une jeune femme vêtue avec soin, maquillage impeccable, tient aussi un petit chien blanc en laisse. Elle tient la laisse avec désinvolture, une cigarette dans l'autre main, son sac en cuir serré sous son bras. Elle aussi attend quelqu'un. Elle regarde à l'ouest.
Le petit chien s'avance vers le gros en agitant la queue. Le gros l'accueille de la même façon.
Les deux chiens fraternisent. Pas les maîtres.

dimanche 11 avril 2010

L'ange triste

Quand elle dessine, c'est toujours la même figure qui surgit sous son crayon. Un ange. Un ange, accroupi, les ailes repliées, les cheveux tombant sur son visage. Un ange triste, blessé, atteint d'un projectile meutrier.
Cet ange, c'est probablement elle. L'histoire de Mélissa, je l'ai entendue des dizaines de fois. Père malade mental, mère soumise, les crises de colère à la maison, les abus sexuels. Elle était la plus vieille. Elle protégeait son frère et sa soeur. Ils avaient tous appris la leçon numéro un de la maison: ne pas faire de bruit. Filer doux. Mélissa a passé toute son enfance à filer doux. Elle s'est transformée en petite souris. Au secondaire, la petite souris n'a pas été très populaire, évidemment. Elle s'est fait mettre à l'écart, on a ri d'elle, on lui a craché dessus.
Il y a quelques mois, Mélissa s'est retrouvée en prison. Elle a pété les plombs quand son propriétaire, qui la poursuivait de ses pressantes avances, s'est retrouvé chez elle à moitié nu. Elle a pris un couteau de cuisine, lui a posé sur la gorge et a menacé de le tuer.
Et maintenant, elle essaie de s'en sortir. Elle fréquente un organisme de St-Jérôme, Ici par les arts. Un local plein de couleurs fait pour les marginaux comme elle qui trippent peinture, sculpture, théâtre.
Mélissa, donc, dessine des anges. Peut-être que sous sa plume et avec un peu d'aide, un jour, ils réussiront à déplier leurs ailes.

mercredi 7 avril 2010

Intervenant extrême

Marc Lardin est psychoéducateur. Depuis quinze ans, il travaille avec les clientèles les plus poquées. Ex-détenus, toxicomanes lourds. Sa spécialité: les projets «extrêmes». Des entreprises casse-gueule avec une clientèle à haut risque.
Comme ce voyage, organisé il y a deux ans, avec huit jeunes toxicomanes. Toxicomanes, on s'entend, pas avec du petit stock: crack, cocaïne, amphétamines. Marc a pris ces huit jeunes de 20, 25 ans, qui consommaient depuis des années. Ils avaient tous des troubles de comportement, d'énormes difficultés sociales.
Il les a emmenés dans un chalet, en pleine nature. Aucun accès possible à de la dope. Tout le monde a fait son sevrage entouré de verdure. Il leur a donné des cours d'anglais, des ateliers de développement personnel, mais aussi de navigation. Parce qu'après ces quinze semaines passées dans un petit chalet, les jeunes allaient naviguer à la voile dans le golfe du St-Laurent pendant près de deux mois.
Ils ont vogué sur la baie des Chaleurs, ont débarqué aux Iles de la Madeleine, à Sydney, en Nouvelle-Écosse.
«Ils ont navigué, mais ils ont surtout négocié», rigole Marc en racontant leur grande aventure. «Quand ça pétait, il fallait ramasser tout ça.» Et c'était Marc, bien sûr, en tant que seul adulte intervenant sur le bateau, qui «ramassait tout ça.» Marc, un roc de calme, de solidité, de fermeté tranquille. Cool, mais exigeant. Compréhensif, mais franc. «Les gens savent que je vais leur dire si leurs affaires n'ont pas d'allure.»
Après 23 semaines de cohabitation, de négociation, d'aventure, la vie de ces jeunes a été transformée. «Ils ont réussi à arrêter la consommation. Tous, ils ont trouvé un but dans la vie. Ça a été une réussite», dit Marc. Une jeune est retournée aux études. L'autre est devenu gérant de resto.
Marc croit fermement qu'une telle expérience, «qui frappe», contribue à redonner à ces jeunes ce dont ils ont manqué dans leur petite enfance, ce que leurs parents n'ont jamais réussi à leur donner: le sentiment d'être aimé.
«Si on les replonge dans un contexte intense, ils vont réapprendre. Si on les bombarde de défi, d'énergie, on peut réussir à les reprogrammer.»
Si Marc faisait sa maîtrise en psychoéducation, ce serait son sujet. Maudit beau sujet.
Et pour le bateau, je te lève mon chapeau bien haut, Marc.

mardi 6 avril 2010

Visite en prison

Il y a des clôtures de douze pieds surmontés de barbelés. Il faut passer deux guérites à l'entrée, montrer une pièce d'identité, déposer son sac, son cellulaire, signer un registre. On n'entre pas en prison comme dans un moulin. A l'intérieur, les lourdes portes de métal claquent, au bout de corridors interminables.
Il y a la «wing» de la sécurité maximale, où sont «hébergés» les gangs de rues et les motards criminalisés. Il y a l'infirmerie, où on garde les détenus qui ont des problèmes de santé mentale. Il y a l'aile dite de «protection», où sont gardés les pédophiles, les violeurs, bref, les détenus qui auraient toutes les chances de connaître un mauvais sort si on les mêlait au reste de la population carcérale.
Pour l'heure, les détenus en protection sortent de leur cellule: le décompte vient de se terminer. Quatre d'entre eux sont dans la cour, toute petite, entourée de murs de béton si hauts qu'ils cachent le ciel. Ils se lancent une balle de baseball. Les gardiens sont à leur poste, à l'intérieur, derrière une grande baie vitrée.
La balle arrive à toute vitesse sur le cadre de cette grande fenêtre. Le claquement, fort et soudain, fait sursauter tout le monde.
Le détenu qui a lancé la balle regarde les gardiens, un léger sourire aux lèvres.

lundi 29 mars 2010

Frères ennemis

Jean-François avait dix ans quand on a commencé à rire de lui à l'école. Il faisait de la gymnastique. Il était pas mal bon, à part ça. Il gagnait des médailles. Sa photo paraissait souvent dans le journal local. Les autres petits gars qui, pour la plupart, jouaient au hockey, eux, ne l'avaient pas, leur photo dans le journal. Ils étaient probablement peu jaloux. Ils ont commencé à rire de lui. Tapette, gay, osti de fif.
Jusque là, l'histoire n'est pas neuve. Elle se répète dans toutes les écoles secondaires, à tous les ans, avec des centaines de jeunes garçons.
Mais dans la bande des harceleurs de Jean-François, il y avait quelqu'un de bien particulier.
Son frère. Son frère jumeau.
Même cheveux blonds en bataille. Même corps mince. Même grands yeux bleus. Deux garçons parfaitement semblables. A dix ans, Jean-François a donc vu sa moitié, son double parfait, un partie de lui-même, se retourner contre lui pour sauver sa peau.
Pour éviter d'être, lui aussi, traité de fif, de mangeux de queues, d'osti de tapette.
Imaginez un instant l'ampleur de la trahison qui a coupé les jambes à ce petit garçon de dix ans.
Triste à mourir.

jeudi 18 mars 2010

Points de bascule

Mon amie Agnès Gruda vient de commettre un délicieux petit recueil de nouvelles qui s'axe autour du thème de la trahison. Ça s'appelle Onze petites trahisons. Dans toutes ses nouvelles, il y a ce thème, récurrent: cet instant, où, dans une vie, le temps s'arrête. Toutes les possibilités sont là, devant nous, intangibles. Et où on choisit, ou non, de trahir. Une sorte de point de bascule où on tombe délibérément d'un côté, ou de l'autre, d'un chemin à deux voies qui, chacune, nous emmène à un endroit différent. Ces points de bascule qui parsèment notre vie me fascinent, je l'avoue.
Tout comme ces instants magiques où une foule d'inconnus communie brièvement. Ça arrive parfois dans le métro. Lorsque la voix de femme de la STM annonce, par exemple, que le service sera interrompu. Les yeux qui s'évitaient soigneusement s'autorisent, pendant un bref moment, à se croiser. Tout le monde retient son souffle. Où le service a-t-il été interrompu? Ligne verte. Nous sommes sur la ligne orange. Le grand ouf est collectif. Pendant une ou deux secondes, des regards soulagés et des sourires s'échangent, des blagues sont lancées. Par l'entremise d'une voix électronique porteuse de mauvaises nouvelles, de fragiles ponts de corde ont été lancés entre de purs étrangers.
Et si, à un moment précis dans un wagon de métro, deux personnes le désiraient vraiment, cet infime instant de complicité pourrait se transformer en point de bascule de toute une vie.

mercredi 17 mars 2010

Le pantalon

Qui porte le pantalon au lit? Le titre s'étalait, en gros, sur une page du journal Métro. L'article était illustré d'une photo non équivoque: la fille, en boxer ajustés, debout, dominant nettement un jeune gars, beau et épilé, assis, dos contre le mur. Littéralement soumis au pouvoir du deuxième sexe, qui de nos jours, c'est bien connu, porte désormais le pantalon. Le jeune qui lit cet article a des lunettes, une petite barbichette, un sac à dos. Il lit le papier de la première à la dernière ligne. Station Berri-UQAM. Il descend. Un étudiant, je parie. En sexologie.

vendredi 12 février 2010

Moi, Canada?

Élyse avait déjà adopté un petit Haïtien, mais c'était la première fois qu'elle visitait un orphelinat à Port-au-prince. Elle venait voir celle qui deviendrait bientôt sa fille. Les papas blancs et les mamans blanches sont accueillis en sauveurs dans un tel endroit, raconte-t-elle. Tous les enfants se rassemblent autour du sauveur du jour, réclament des câlins, des baisers.
Ces enfants sont trente, quarante, cinquante dans un bâtiment, avec deux dames pour s'occuper de leurs besoins primaires. Changer les couches, les nourrir, les habiller. Vous pensez bien qu'elles n'ont pas le temps pour les câlins. Ces enfants ont donc une soif intense de câlins. Même les grands se pressent autour des sauveurs, les enlacent, veulent s'asseoir sur leurs genoux. Quand elle raconte ça, Élyse se met à pleurer.
Elle se souvient particulièrement de l'un d'entre eux. Un petit garçon plus vieux que les autres, huit ans, peut-être. Il l'a regardée et lui a posé la question. «Moi, Canada?» Avec dans ses yeux bruns, tout l'espoir du monde.
Grâce au séisme, il y est finalement arrivé, au Canada. Adopté par une famille de Québécois avec sa petite soeur. Bonne chance, mon grand.

jeudi 11 février 2010

Arrière-plan

Les deux jeunes sont dans la mi-vingtaine. Elle est d'origine asiatique. Il est Québécois-Blanc. Leurs échanges de regards, leurs rires un peu nerveux et leurs gestes légèrement maladroits ne trompent pas: ils sont aux tout premiers stades du flirt. Ils parlent de tout et de rien, mais le sous-texte est le suivant: ils sont à la veille de se retrouver dans le même lit. Et, peut-être, de tomber en amour.
En arrière-plan, un homme chauve, quarante ans, peut-être, lit une brochure. Titre: Parce que la vie continue. Sous-titre: Aider les enfants et les adolescents en situation de séparation ou de divorce. Sur la couverture, on voit le dessin d'un enfant qui court sur une plage. Dans chaque main, il a un cerf-volant en forme de maison.
Station Crémazie. L'homme chauve boucle son manteau et dépose la brochure dans son sac à dos usé. Il descend.
Les deux jeunes continuent à parler. Tout à leur échange, ils n'ont rien remarqué de leur voisin.

mardi 9 février 2010

Collection de vieilles dames (2)

Je vous ai déjà parlé, dans un billet précédent, de ma collection de vieilles dames.
J'en ai ajouté une autre à mon carnet, l'autre jour. Je l'ai baptisée la reine espagnole. Elle avait des cheveux gris tirés vers l'arrière, rassemblés en une courte queue de cheval. Des yeux verts pas doux du tout, plutôt piquants en fait. Et surtout, cette bouche. Des lèvres pleines, qui formaient, même au repos, une moue légèrement dédaigneuse. Avec une collerette et un diadème, elle aurait été parfaite à la cour de Charles Quint.
Même dans ses habits du vingt et unième siècle, avec ses turquoises veinées de brun aux oreilles et au cou, elle était magnifique. Debout dans un wagon de métro, elle imposait le respect. Quelqu'un lui a d'ailleurs cédé sa place. Les lèvres dédaigneuses se sont étirées pour sourire. Un sourire étrangement tendre.

jeudi 4 février 2010

Le dilemme d'une vie

La maman est partie en avion, au Guatemala, pour aller chercher le petit garçon qu'elle adoptera avec son mari. Ils ont déjà une fille, qui a hâte d'avoir un petit frère. Elle arrive là-bas avec un groupe de parents. Tous, ils ont des bébés. Elle a un petit bonhomme de trois ans. Dès le départ, ça ne va pas. Le petit ne veut pas la suivre. Il pleure. Il hurle. Chaque mouvement est pénible. Le séjour de quelques jours au Guatemala est un supplice.
Avant le départ, la maman prend le téléphone. Elle appelle à la maison. Elle dit à son mari: chéri, j'ai l'impression que cet enfant va gâcher notre vie. Puis, elle laisse entendre au responsable du groupe qu'elle songe à ne pas amener le petit avec elle. Le responsable n'accueille pas bien son commentaire. Elle s'est engagée, lui dit-il.
Et là, la maman est prise au Guatemala avec un affreux dilemme. Abandonner pour la deuxième fois un petit garçon qui a déjà été abandonné par ses vrais parents. Ou repartir avec un enfant dont elle sent, d'instinct, qu'il sera une immense source de problèmes pour sa famille.
Elle repart avec lui.
L'histoire ne finit pas bien. Son instinct était juste. L'enfant souffrait d'un grave trouble de l'attachement. Il a transformé la vie de trois personnes en un enfer permanent. Depuis quelques années, il a coupé tous les ponts avec sa mère, après avoir menacé de la tuer à plusieurs reprises.
Quand elle pense à lui, elle a peur.
Et vous, qu'auriez-vous fait à sa place?

mercredi 27 janvier 2010

Le camelot

Il a un visage de photo en noir et blanc. Vous savez, ces photos très classiques de magazine, où on voit le visage du sujet en gros plan. Gros plan sur ces rides profondes, des failles qui partent des yeux et traversent les joues en se noyant dans les poils de la barbe où il y a plus de sel que de poivre. Gros plan aussi sur ces yeux, qui fixent le vide, droit devant lui.
Dans ces yeux, on ne lit rien, et tout à la fois. On lit une barrière érigée entre cet homme et le monde. On lit une absence, une défense, une forteresse. En voyant ces deux grands yeux gris-verts, on sait qu'il y a quelque chose à l'intérieur de cette forteresse, oh, bien caché, très bien caché.
Il tient la revue l'Itinéraire à bout de bras, devant lui. Il ne lâche pas son magazine tant qu'il ne tient pas l'argent en main. Lors de l'échange, ses yeux se posent brièvement sur moi. Il ne dit pas un mot. Et moi non plus.

mardi 26 janvier 2010

Étrange rencontre (2)

La fille porte un masque de vieille femme qui lui descend jusqu'au bas du visage. Un masque de théâtre, qui dessine une vieille femme de caricature, gros nez, bouche charnue, pommette saillante, rivière de rides. Sa mise va parfaitement avec le masque. Chapeau cloche des années charleston, veston de velours vert. Elle a même de gros escarpins larges, parfaitement passés de mode. Elle est assise avec un jeune homme vêtu, lui, en vendeur de tapis marocain. Djellabah beige, fine moustache. Il porte un grand panier d'osier sur ses genoux. Durant le trajet de métro, il sort une marionnette de ce grand panier. Une jeune fille, dont il fait bouger les membres avec habileté. Elle danse, elle se tourne, elle fait des gestes gracieux de sa petite main souple. C'est un couple parfaitement désassorti, parfaitement étrange, que tout le monde regarde.
Puis, après quelques stations, ils descendent en agitant la main. Tout le monde sourit.
A la prochaine station, c'est une fille déguisée en kangourou qui fait son entrée dans le wagon.
Quel trajet.

mercredi 13 janvier 2010

La chaussette rouge

La dame passe inaperçue dans la cohue matinale du métro. Elle a des cheveux roux ramassés en une queue de cheval maigre. Un manteau violet élimé. Comme la moitié des passagers du métro, elle écoute son baladeur. Et en plus, elle tricote. Une chaussette rouge. Elle a presque terminé le talon.
Ses aiguilles volettent rapidement autour de l'ouvrage de fine laine rouge. Une maille à l'endroit, une maille à l'envers. Elle a presque terminé le talon. Sa pelote de laine est sagement rangée dans son sac de cuir noir verni, imitation crocodile.
La foule, de plus en plus compacte, se resserre autour d'elle. Elle n'en a cure. Elle tricote.

jeudi 7 janvier 2010

Étrange rencontre (1)

L'homme a le visage fatigué d'un prof de mathématiques au secondaire qui attendrait la retraite. Visage pâle, lunettes carrées. On imagine des cheveux gris épars, une calvitie partielle.
On imagine seulement, parce qu'on ne voit pas sa tête. Il porte un bonnet qui ressemble étrangement à ceux des jokers dans les jeux de carte. Un bonnet de joker, donc, rouge vin et moutarde. Il porte un pourpoint constellé de paillettes. Et il porte un très long pantalon de velours rouge. Très long, parce qu'en jouant un air enlevé sur sa flûte traversière, il est juché sur des échasses. Pour se maintenir en équilibre, il doit donc constamment bouger, ce qui lui donne vaguement l'air d'un petit garçon qui a envie de pipi.
Résumons: une tête de prof de maths, un habit de joker, des échasses et une envie de pipi. Rien de tout cela ne va ensemble. Le résultat est franchement comique.