lundi 29 mars 2010

Frères ennemis

Jean-François avait dix ans quand on a commencé à rire de lui à l'école. Il faisait de la gymnastique. Il était pas mal bon, à part ça. Il gagnait des médailles. Sa photo paraissait souvent dans le journal local. Les autres petits gars qui, pour la plupart, jouaient au hockey, eux, ne l'avaient pas, leur photo dans le journal. Ils étaient probablement peu jaloux. Ils ont commencé à rire de lui. Tapette, gay, osti de fif.
Jusque là, l'histoire n'est pas neuve. Elle se répète dans toutes les écoles secondaires, à tous les ans, avec des centaines de jeunes garçons.
Mais dans la bande des harceleurs de Jean-François, il y avait quelqu'un de bien particulier.
Son frère. Son frère jumeau.
Même cheveux blonds en bataille. Même corps mince. Même grands yeux bleus. Deux garçons parfaitement semblables. A dix ans, Jean-François a donc vu sa moitié, son double parfait, un partie de lui-même, se retourner contre lui pour sauver sa peau.
Pour éviter d'être, lui aussi, traité de fif, de mangeux de queues, d'osti de tapette.
Imaginez un instant l'ampleur de la trahison qui a coupé les jambes à ce petit garçon de dix ans.
Triste à mourir.

3 commentaires:

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  2. Le pathétique, à forte dose, ça coupe les jambes, aussi !

    ***

    Une connaissance à moi serine par-ci par-là qu'il faut souffrir pour apprendre, maxime qu'il aurait lu chez Eschyle ou autre Ancien en vogue. Vu de cet angle, ce petit garçon de dix ans, il s'est grandi sur le fonctionnement de cette société, et le voilà désormais plus alerte.

    Et c'est ainsi que la vie est drôle.

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  3. Non, il ne faut pas souffrir pour apprendre et la sécurité est essentielle à un apprentissage harmonieux. Tolérance zéro contre la violence et mesures concrètes pour protéger les victimes, information, transparence, direction et équipe-école qui ont leur milieu de vie à coeur et qui se sentent concernés par leurs élèves, il y a des écoles secondaires publiques en milieur défavorisé qui ont appliqué cette formule avec succès. L'école secondaire Jeanne-Mance à Montréal en est un bon exemple. D'école-ghetto à fuir, elle est devenue un milieu de vie et d'apprentissage motivant et sécuritaire depuis qu'une nouvelle direction l'a prise en charge. Elle est toujours matériellement pauvre et ses murs de béton pas jolis demeurent froids mais c'est à l'intérieur qu'on ressent la chaleur humaine et l'implication de tous. Vous devriez les visiter et écrire un reportage sur les écoles secondaires publiques qui réussissent. Ce serait très intéressant. On parle rarement de ceux qui se démènent et prennent leur job à coeur et ils ont le même salaire que ceux qui se traînent les pieds et attendent leur retraite.

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