mercredi 27 janvier 2010

Le camelot

Il a un visage de photo en noir et blanc. Vous savez, ces photos très classiques de magazine, où on voit le visage du sujet en gros plan. Gros plan sur ces rides profondes, des failles qui partent des yeux et traversent les joues en se noyant dans les poils de la barbe où il y a plus de sel que de poivre. Gros plan aussi sur ces yeux, qui fixent le vide, droit devant lui.
Dans ces yeux, on ne lit rien, et tout à la fois. On lit une barrière érigée entre cet homme et le monde. On lit une absence, une défense, une forteresse. En voyant ces deux grands yeux gris-verts, on sait qu'il y a quelque chose à l'intérieur de cette forteresse, oh, bien caché, très bien caché.
Il tient la revue l'Itinéraire à bout de bras, devant lui. Il ne lâche pas son magazine tant qu'il ne tient pas l'argent en main. Lors de l'échange, ses yeux se posent brièvement sur moi. Il ne dit pas un mot. Et moi non plus.

1 commentaire:

  1. J'achète toujours l'Itinéraire et il m'arrive d'en acheter plus d'un exemplaire à des camelots différents. Je trouve l'idée admirable, un dollar pour le magazine et un dollar pour le vendeur, qui essaie courageusement de se tirer de la rue en travaillant. Le vôtre n'était pas bavard mais celui de mon quartier aime bien me raconter des parcelles de sa vie ou bien jaser du temps qu'il fait. On se salue toujours.

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