mercredi 11 novembre 2009

Charles Baudelaire rencontre Bernard Émond

Dans la salle de cinéma sombre, il y a peut-être une quinzaine de personnes en ce mercredi après-midi. Quelques dames aux cheveux blancs. Des jeunes gars au look intello. Et, sur la dernière rangée de fauteuils, quatre filles vêtues de l'uniforme des ados: longs cheveux, frange asymétriques, pulls moulants, pantalons moulants. Elles sont probablement là parce que leur prof d'éthique et culture religieuse les a obligées à aller voir le film de Bernard Émond.
L'écran s'éclaire sur la route hypnotique qui mène à l'Abitibi. La donation est à l'image de cette nature austère et râpeuse. Aucun compromis aux feux d'artifices, aux cartes postales d'automne. Un film qui éclaire les visages ravagés, les fils électriques qui traversent le ciel, les garages en tôle rouillée, les forêts dénudées et grises du mois de novembre, les murs blafards d'un hôpital. La vie, la vie ordinaire. Dans toute sa tragédie, sa beauté et sa laideur.
L'écran s'éteint aussi sur l'image de cette route, où Élise Guilbault, magnifique, est debout et tient un bébé dans ses bras. Le générique n'est pas commencé que les quatre filles applaudissent. Enfin. Leur torture est terminée.
Elles se lèvent et partent en riant. L'une d'elle porte sous son bras ces sacs à la mode où on a reproduit les mots d'un auteur célèbre. Sur le sien, une citation de Charles Beaudelaire.
Le beau est toujours bizarre.
Elle a raté aujourd'hui une belle occasion de comprendre le grand homme.

1 commentaire:

  1. Mon Dieu! Si le billet avait été publié cette semaine, j'aurais cru reconnaître mes étudiantes. J'enseigne le cinéma à cette belle génération en quête de sens dans le vide de notre époque. Je les envoie parfois voir des films bizarres. Ils chialent sur le coup et me demandent : «C'est quoi le but de ce film?» Des années plus tard, quand je les ai oubliés, ils m'envoient un courriel et me disent : «Merci.» À ce moment, je repousse encore un peu la date de ma démission.

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